09/01/2006

Lunar Park de Bret Easton Ellis

Le livre commence sur les frasques de Bret easton Ellis, nous racontant combien sa vie baigne dans la coke et l’alcool, comment il se laisse traîner comme un poids mort sur une chaise roulante de librairie en librairie pour la promo de son bouquin « Glamorama » la cloison nasale défoncée par la coke. Puis une relation avec l’actrice de cinéma Jayne Dennis… Elle dit être enceinte de lui. Cet enfant grandit, il a une dizaine d’années, et évolue sous médicaments pour le calmer comme sa petite sœur Sarah. Cela fait 3 mois que Bret a intégré cette famille riche et célèbre quelque peu perturbée, il a du mal à se faire une place. Il a promis à sa femme Jayne qu’il était devenu clean, mais il replonge vite dans l’alcoolisme et la cocaïne. Son fils l’ignore tout simplement, Sarah le regarde avec curiosité, le chien Victor le hait. Halloween… Le couple donne une fête très chic qui dérape un peu à cause de quelques étudiants qui se sont invités tout seuls.La petite Sarah débarque au milieu de la fête et dit à son père que son Terby (une peluche affreuse type furby) n’est pas content à cause du bruit, qu’il l’a griffée, bref qu’il est vivant et qu’il lui fait peur. Tout dégringole à partir de là, cette peluche est menaçante, griffe les portes, marche toute seule, pue la pourriture, il y a une fausse tombe avec le nom de son père écrit dessus dans le champ en contre bas de la maison, quelque chose semble en être sorti…la maison pèle… il voit circuler la Mercedes blanche de son adolescence…des garçons de l’âge de son fils disparaissent de façon mystérieuse, la moquette pousse, Patrick Bateman est sorti de son livre American Psycho et tue à l’identique… Est-ce un délire de drogué alcoolique ? est –ce que tout est vrai ? Bret Easton Ellis a mis du vrai dans son livre puiqu’il se veut introspectif et biographique en partie, mais se refuse à nous éclairer…cela dit on n’a pas trop de mal à faire la part des choses. Je ne vous en dis pas plus, si ce n’est : courrez lire ce livre de toute urgence !(Pour ce qui est de l’extrait suivant, le narrateur, Bret Easton Ellis est invité chez ses voisins avec sa femme, et alors qu’il fume avec les autres maris autour de la piscine, pendant que les femmes préparent le dessert, il jette un œil vers sa maison et remarque une silhouette étrange à l’étage)

Extrait: « Je me suis concentré sur la maison, d’abord sur la salle multimédia, mais c’est alors qu’une ombre derrière la fenêtre de la chambre à coucher a attiré mon attention.Presque aussitôt elle a disparu.« Ecoute, je ne suis pas vraiment partisan d’une discipline stricte, déclamait un des pères, mais je fais tout pour qu’il se sente responsable de ses erreurs. »Je ne tenais plus en place sur la chaise longue, les yeux rivés sur le premier étage.Il n’y avait plus aucun mouvement. Les lumières étaient toujours allumées, mais plus d’ombre en vue.Je me suis légèrement détendu et j’étais sur le point de me mêler à la conversation quand une silhouette est passée à toute vitesse derrière la fenêtre. Et puis elle est repassée, accroupie, comme si elle ne voulait pas être vue.Je ne distinguais pas qui c’était, mais elle avait l’allure d’un homme et elle portait ce qui ressemblait à un costume.Et elle a disparu de nouveau.Involontairement, mon regard s’est porté vers Robby et la baby sitter et Sarah.Mais peut être que ce n’était pas un homme, me suis-je dis machinalement. Peut être que c’était Jayne.Troublé, je me suis redressé et j’ai tendu le cou pour regarder du côté de la cuisine des Allen, où Nadine et Sheila garnissaient des bols de framboises, et Jayne était debout devant le comptoir et montrait quelque chose à Mimi Gardner dans un magazine, et toutes les deux riaient.J’ai lentement sorti mon portable de la poche de mon pantalon et j’ai appuyé sur un numéro mémorisé.J’ai vu le moment précis où la tête de Wendy a émergé du livre qu’elle lisait à Sarah, et elle s’est levé avec elle pour aller jusqu’au téléphone sans fil près de la table de billard. Wendy a attendu que la personne qui appelait laisse un message.La silhouette est apparue de nouveau. Et elle était maintenant au beau milieu de la fenêtre, sans bouger. Elle s’était arrêtée en entendant le téléphone sonner.« Wendy, c’est Mr Ellis, décrochez » ai-je dis sur le répondeur.Wendy a immédiatement mis le combiné à l’oreille, en faisant passer Sarah sur l’autre bras.« Allo ? »La silhouette regardait fixement en direction du jardin des Allen.« Wendy, vous avez un ami avec vous ? »J’ai balancé une jambe- j’avais des fourmis- hors de la chaise longue et j’ai regardé la salle multimédia, les trois qui s’y trouvaient, oublieux de qui pouvait être à l’étage.« Non, a répondu Wendy en regardant autour d’elle. Il n’y a que nous. »Je me suis levé et j’avançais, un peu titubant en direction de la maison, le sol se dérobant sous mes pieds. « Wendy, sortez les enfants de là, d’accord ? »La silhouette était toujours debout devant la fenêtre, éclairée de dos et donc centrée.J’ai ignoré les questions des hommes derrière moi qui voulaient savoir où j’allais et j’ai marché le long de la maison des Allen, ouvert un portail, et je me suis retrouvé sur le trottoir, d’où je pouvais toujours voir la fenêtre à l’étage à travers les ormes nouvellement plantés le long d’Elsinore Lane.En approchant de la maison, j’ai soudain remarqué la 450 SL crème garée devant .C’est à ce moment là que j’ai vu la plaque d’immatriculation.« Mr Ellis, qu’est ce que vous voulez dire ? sortir les enfants de la maison ? qu’est ce qu’il y a ? »A cet instant, comme si elle avait écouté la silhouette s’est éloignée et a disparu.Je me suis figé incapable de parler, puis j’ai avancé sur l’allée en pierre qui menait à la porte d’entrée.« Wendy, je suis devant la porte d’entrée. Sortez avec les enfants immédiatement. Immédiatement. »Victor ne cessait d’aboyer depuis le fond du jardin, puis les aboiements se sont transformés en hurlements.J’ai frappé à la porte jusqu’à ce que je mette des grands coups de poing.Wendy a ouvert, effarée, Sarah dans ses bras, qui a souri quand elle m’a vu. Robby était derrière elle alarmé et pâle.« Mr Ellis il n’y a personne d’autre que nous dans la maison… »Je l’ai écartée et je suis allée jusque dans mon bureau où j’ai ouvert en quelques secondes mon coffre pour prendre mon pistolet, un petit calibre 38 que je gardais là, et puis, un peu pris de vertige à cause de l’herbe, je l’ai glissé dans ma ceinture, pour ne pas effrayer les enfants. Je me suis dirigé vers l’escalier mais arrêté en passant dans la salle de séjour.Les meubles avaient été encore une fois déplacés et des empreintes de couleur cendre couraient en tous sens sur la moquette. « Mr Ellis, vous me faites peur. »Je me suis retourné. « Sortez les enfants tout va bien. Je veux juste vérifier quelque chose. » je me suis senti un peu plus fort en disant ça, comme si je contrôlais une situation qui m’échappait probablement. La peur s’était transformé en lucidité et calme ce qui était l’effet de l’herbe de Mark Huntington, ai-je compris par la suite. Sans quoi je n’aurais jamais agit aussi imprudemment ou même simplement pensé affronter quiconque se trouvait dans la chambre à coucher. Ce que je ressentais en montant les escaliers, c’était : je m’attendais à ça. Cela faisait partie du récit. L’adrénaline m’envahissait, mais je faisais des pas lents et décidés. Je tenais fermement la rampe la laissant jouer son rôle dans mon ascension, avec une sensation tellement neutre que j’aurais pu tout aussi bien être en transe.Au sommet de l’escalier je me suis engagé dans le couloir sombre et silencieux qui conduisait à la chambre à coucher. Mes yeux se sont rapidement adaptés à la pénombre et le couloir a pris une teinte violacée. La force qu’il fallait pour avancer dans ce couloir provenait uniquement d’une panique croissante.« Hello, ai-je clamé dans l’obscurité, la voix un peu cassée. Hello ? »Une applique a clignoté et puis s’est éteinte au moment où je passais devant. Même chose pour la suivante.Et puis, j’ai entendu quelque chose. Une sorte de glissement. De l’autre côté de la chambre à coucher et, dans l’interstice entre le bas de la porte et le sol, le raie de lumière s’est éteint.Et puis, j’ai entendu distinctement un gloussement.Je n’ai pu m’empêcher de gémir.Derrière la porte, le gloussement continuait. Mais c’était un gloussement dénué d’humour.

03/01/2006

Vacances anglaises

Un roman de Joseph Connolly, qui raconte les vacances de deux familles anglaises.
Elizabeth désire faire un break, et partir en vacances, son mari Howard les lui offre volontiers mais cède aussi volontiers sa place à une jeune maman un peu démunie, amie de la famille. Bien évidemment sa voisine londonienne Dotty veut se joindre au voyage et veut elle aussi rejoindre Elizabeth sa chère amie sur la côte anglaise dans cet hôtel si chic. Sauf que Brian n’a plus de travail et tout ce qu’ils ont ce sont des dettes. Ils pourront peut être aller en vacances à condition de se priver de tout, y compris de l’hôtel qui sera remplacé par une caravane. Grosse déception de Dotty…en tout cas il est hors de question que les autres le sache bien entendu !Michel Blanc a transposé cette histoire au cinéma sous le titre de « embrassez qui vous voudrez ». Snobisme, adultère, mensonges, quiproquos, humour noir comme on l’aime, je ne saurais que trop vous conseiller cette lecture, très drôle, ainsi que sa suite qui se déroule en période de fêtes de fin d’année « N’oublie pas mes petits souliers ».

Extrait de «Vacances anglaises »
« je ne peux pas », fit-elle dans un souffle. Puis, plus fort : « je ne peux pas, ça n’est pas possible. Je ne peux rien mettre de tout ça. Que veux tu que je, je ne peux rien porter de tout ça, je ne peux pas ce n’est pas possible. Brian, tu y vas sans moi. Tu y vas sans moi. Je ne peux pas encore porter ce truc bleu, Elizabeth le connaît par cœur.-Ne sois pas sotte, amour, lança Brian depuis la salle de bain. Et le petit tailleur rouge ? Tu es toujours très mignonne avec .-Mais c’est justement ça l’horreur, je suis toujours très mignonne avec…oh, grands dieux Brian, il me faut absolument des affaires neuves sinon je meurs. »« Tu connais la situation », dit-il d’un ton posé. Inutile de se lancer dans une joyeuse tyrolienne sur le mode allons-remets-toi-ma-grande-ça-va-aller, car Dotty, les yeux relativement humides, l’avait déjà rejoint dans la salle de bains.« ce que vous les hommes, n’avez jamais l’air de comprendre, Brian, c’est que – oh, non, mais regarde-toi ! Regarde-toi ! mais qu’est ce que tu as fais, là ? »Brian brandissait de la main gauche un petit miroir circulaire en chrome (une face normale, une face grossissante), et sa main droite, armée de ciseaux, piochait sur sa nuque, tandis qu’il essayait d’entrevoir ce qu’il pensait faire dans le miroir de la porte entrouverte de la pharmacie.« Je rafraichi un peu tout ça, dit-il,-oh non, dire qu’on en est là ! gémit Dotty. Tu te coupes les cheveux toi-même, maintenant. Mais pourquoi tu te coupes les… ? Regarde ce que tu as fait ! Regarde ça ! Il y a un trou énorme, là… !-Derrière, c’est un peu difficile, pour ne rien te cacher.-Mais Brian, tu n’es pas coiffeur, si ? Tu n’es même pas capable de couper un morceau de bois d’équerre, alors des cheveux ! J’ai failli me casser le poignet, en essayant d’ouvrir ce placard pourri que tu as inventé »Brian plissa les yeux, puis les ciseaux fondirent sur un petit épi de cheveux qu’il avait localisé, très probablement, au-dessus d’une de ses oreilles (laquelle, c’était dur à dire, avec les miroirs et tout ça), mais sa main avait bougé (le miroir rond devenait un peu lourd au bout d’un moment) et Dotty occultait partiellement la glace à pharmacie, de sorte que, bordel de bordel, il ne voyait plus et faillit se poignarder la tête.« Bon écoute, fit-il, ses yeux effectuant une quasi-révolution dans leurs orbites, mort d’angoisse de voir dans quel état était sa raie à présent car, s’il avait déjà fait ce côté là, il voulait bien se faire sodomiser s’il ne lui paraissait pas quand même plus long que cette touffe qu’il n’avait pas encore réussi à sacrifier. Je te l’ai déjà dit, Dotty, amour- à partir de maintenant, c’est « économies » le maître mot. »

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